C’était parfois comme une danse qui s’essoufflait. Quand le temps passait et que les muscles s’atrophiaient, Luke perdait de son essence pour laisser la vie le porter en boitant, comme un clochard incapable de payer un médecin. Des années à grandir dans une ville qu’il rejetait de tout son être, désormais. Marié à l’âge de dix-huit ans avec sa petite-amie du lycée, la pom-pom girl, lui le quaterback, enceinte très rapidement d’un petit Isaiah qui fera le bonheur de sa vie. Son père le force à prendre l’uniforme bleu du policier et Luke excelle dans chacun des domaines qu’il entreprend, rapidement commissaire de la ville de Boston. Très rapidement derrière vient l’arrivée de Luke Junior, son deuxième fils. Et cette petite vie parfaite, la maison, la femme, les enfants, le chien, tout cet univers cinématographique et donc féérique finit par rejoindre les fonds de placard pour laisser un Luke qui s’efforce de maintenir sa barque. Le sexe n’est presque plus présent, ses enfants, il les voit peu, le travail plus important que la famille, mais ils restent ensemble, les Abernathy, pour les garçons, car malgré tout, Luke les aime, ses gosses. Il prend sur lui, mais il oublie les spectacles de danse, les matchs de football américain quand le grand veut suivre les traces de papa. Il ne signe pas les devoirs et ne leur accordent plus d’importance. Isaiah a aujourd’hui dix-huit ans, et Luke Junior en a seize. Et plus rien ne compte à part sa routine qu’il maintient tant bien que mal. Il n’a pas forcément de très bon rapport avec Isaiah qui a décidé d’aller à l’université d’Harvard, espérant alors suivre un cursus différent de son paternel, juste pour l’emmerder plus profondément.
Aujourd’hui, au plus simple, voilà la vie de Luke. Deux adolescents à la maison, une femme qui n’éprouve que du dégoût à son égard, un boulot qui lui mange tout son temps, une ville qu’il a perdu de ses couleurs, un malinois prénommé Harry comme le célèbre sorcier, le crédit de la maison sur le dos, avec ceux des deux voitures. Vie merdique, monde merdique. Et pourtant, c’est un homme qui donnerait tout pour retrouver de la couleur dans son palpitant.